La SIFEM se positionne en faveur de l’utilisation systématique de la tomosynthèse dans le dépistage organisé
Constat :
Plusieurs études publiées ces dix dernières années ont montré que le taux de cancers détecté est significativement plus élevé avec la tomosynthèse qu’avec la mammographie numérique 2D, avec une augmentation du nombre de cancers variant entre un et trois cas pour 1000 femmes dépistées et une diminution du taux de rappel variant entre dix et trente rappels pour 1000 femmes dépistées (1-3).
En pratique, la tomosynthèse mammaire est largement utilisée par les radiologues français, principalement en diagnostic, mais également en dépistage individuel. Elle est également souvent utilisée en dépistage organisé, alors que paradoxalement en France, la tomosynthèse n’a pas d’autorisation officielle pour le dépistage organisé.
La SIFEM par l’intermédiaire de son CA et d’une enquête menée au sein d’un groupe d’experts (20 experts) en imagerie de la femme lors de son CA du 7 Janvier 2022, a souhaité se positionner sur l’utilisation de la tomosynthèse en France.
Résultats de l’enquête
Les radiologues ayant répondu à l’enquête exercent en CLCC (30 %, n=6), centre hospitalier et/ou universitaire (30 %, n=6), libéral (40 %, n=8), et représentent donc de façon homogène le panel des radiologues français. 65 % (n=18) des radiologues du groupe d’experts ont entre 10 et 20 ans d’expérience de lecture de mammographie, et 50 % des radiologues lisent plus de 2000 mammographies par an (n=10), dont 25 % de mammographies dans le cadre du DO, ce qui est le niveau de lectures requis pour les seconds lecteurs en dépistage organisé.
85 % (n=17) des radiologues interrogés du groupe d’experts utilisent la tomosynthèse en dépistage, dont 50 % depuis au moins 5 ans.
Les radiologues du panel d’expert utilisent des systèmes de mammographie numérique différents pour la plupart, mais qui représentent assez bien le parc actuel des systèmes de mammographie utilisés en France (GE Healthcare, n=6 (30 %) ; Hologic, n=12 (60 %) ; Siemens, n=1 (5%) ; Giotto, n=1 (5 %).
70 % utilisent la tomosynthèse en dépistage individuel de façon systématique pour toutes les patientes (n=14), alors que d’autres l’utilisent dans certaines indications ou en bilan diagnostique (20 %, n=4).
75 % (n=15) des radiologues interrogés l’utilisent en dépistage organisé de façon systématique. Il faut souligner également que sur les fiches de saisie de dépistage organisé de certains départements, comme celui de Paris (75) par exemple, la question de la réalisation ou non d’une tomosynthèse en addition aux clichés 2D est posée.
Il n’y a actuellement pas de consensus sur l’incidence de tomosynthèse à réaliser, face, oblique ou bien les deux. Notamment, il n’y a que très peu d’études réalisées sur ce sujet. En pratique, si on se réfère à la mammographie 2D qui comporte 2 incidences par sein, on peut aisément imaginer que l’idéal serait la réalisation d’une tomosynthèse double incidence par sein, certains cancers apparaissant mieux visibles sur l’incidence de face, d’autres sur l’incidence oblique. Néanmoins, les radiologues ont toujours un souci constant du maintien de la dose de rayonnement la plus faible pour la meilleure qualité d’image, et ne pratiquent le plus souvent qu’une seule incidence en tomosynthèse quand ils la réalisent. Dans le panel d’experts interrogés, l’incidence de tomosynthèse la plus souvent réalisée est la tomosynthèse de face (60 %, n=12), alors que l’incidence oblique n’est réalisée systématiquement que dans 20 % des cas (n=4), et la double incidence face + oblique que dans 10 % des cas (n=2). Le choix de l’incidence de face semble venir du fait que cette incidence est plus facilement reproductible dans la réalisation et l’analyse, et qu’il est plus facile de localiser réellement une anomalie sur le cliché de face par comparaison avec l’incidence oblique.
Ce cliché de tomosynthèse est, pour tous les radiologues, réalisé en complément des clichés 2D, jamais en substitution aux clichés 2D.
Un point important à signaler est que l’utilisation de la tomosynthèse permet de réduire très nettement le recours aux clichés centrés localisés pour analyser plus précisément une image suspecte. Or, l’on sait que la dose pour un cliché centré localisé est de 100 % supplémentaire à un cliché de tomosynthèse (4), et qu’il est de réalisation plus aléatoire pour les manipulateurs qu’une incidence de tomosynthèse. Ce constat est un point important qui concourt à la fois à l’amélioration de la qualité image et également au maintien de dose de
rayonnement dans les valeurs maximales recommandées, qui viennent d’être révisées très récemment par une publication de l’IRSN (Avis, IRSN N° 2021-00193) (NRD fixé à 2,3 mGy (sans distinction d’épaisseur de sein et quelle que soit l’incidence) pour une acquisition).
76% (n=16) des radiologues se servent également des clichés 2D synthétiques pour l’analyse; cependant, il apparait que la qualité de la 2D synthétique peut être variable selon les systèmes, et qu’il est encore trop tôt pour que la 2D synthétique remplace complètement les clichés 2D standards.
95 % (n=19) des radiologues du groupe d’experts de la SIFEM sont en faveur du développement de la tomosynthèse en dépistage organisé en France.
Préconisations de la SIFEM
La SIFEM se positionne en faveur de l’utilisation de la tomosynthèse systématique dans le dépistage organisé en France, en complément des clichés 2D standards, et non pas en remplacement, pour l’instant.
L’incidence de face en tomosynthèse parait la plus reproductible à réaliser et analyser, néanmoins, en l’absence d’études spécifiques sur cette question dans la littérature, le choix de l’incidence de tomosynthèse à réaliser revient au radiologue qui interprète l’examen.
La 2D synthétique ne peut remplacer les clichés 2D standards à ce jour pour tous les systèmes. Néanmoins l’amélioration continue des systèmes de mammographie numérique avec tomosynthèse laisse à penser que les clichés 2D synthétiques pourraient possiblement à moyen terme remplacer les clichés 2D standards, ce qui permettrait de réduire encore plus la dose administrée.
Références
1. Caumo F, Montemezzi S, Romanucci G, Brunelli S, Bricolo P, Cugola L, Gennaro G. Repeat Screening Outcomes with Digital Breast Tomosynthesis Plus Synthetic Mammography for Breast Cancer Detection: Results from the Prospective Verona Pilot Study. Radiology. 2021;298(1):49-57.
2. Regen-Tuero HC, Ram S, Gass JS, Lourenco AP. Community-Based Breast Cancer Screening Using Digital Breast Tomosynthesis Versus Digital Mammography: Comparison of Screening Performance and Tumor Characteristics. AJR Am J Roentgenol. 2022;218(2):249-257.
3. Taourel P, Pages E, Thomassin-Naggara I, Verheydena C, Millet I. Tomosynthèse et dépistage du cancer du sein. Imagerie de la Femme (2018) 28, 19—28.
4. Tagliafico A, Astengo D, Cavagnetto F, Rosasco R, Rescinito G, Monetti F, Calabrese M. One-to-one comparison between digital spot compression view and digital breast tomosynthesis. Eur Radiol. 2012;22(3):539-544.
Pour la SIFEM,
Professeur Corinne Balleyguier, Présidente
Professeur Isabelle Thomassin-Naggara, Vice-Présidente
Docteur Edouard Poncelet, Secrétaire général
Professeur Bruno Boyer, Trésorier
Professeur Pascal Rousset, Secrétaire général adjoint
Docteur Valérie Juhan-Duguet, Trésorière adjoint
Professeur Patrice Taourel et Professeur Marc Bazot, Past Présidents
Professeur Cédric de Bazelaire, Professeur Laure Fournier, Docteur Aurélie Jalaguier-Coudray, Docteur Foucauld Chamming’s, Docteur Luc Ceugnart et le conseil d’administration de la SIFEM : Docteur Julia Arfi-Rouche, Docteur Martine Boisserie Lacroix, Docteur Véronique Boute, Docteur Thu Ha Dao, Docteur Doutriaux-Dumoulin, Docteur Isabelle Fauquet, Docteur Gabrielle Labrot-Hurtevent, Docteur Edith Kermarrec, Docteur Caroline Malhaire, Docteur Benoit Mesurolle, Docteur Michèle Monroc-Morval, Docteur Guillaume Oldrini, Docteur Joseph Orabona, Docteur Emma Pages-Bouic, Docteur Luc Rotenberg, Docteur Sophie Taïeb.
Paris, le 23 janvier 2022.